Journée annuelle 2025 autour des activités culturelles et de loisirs
La 4e Journée annuelle de l’Observatoire romand de la culture a eu lieu lundi 24 novembre 2025 à La Grange-UNIL, à Lausanne, en présence de quelque 80 partenaires de l’ORC.
Quelque 80 partenaires ont participé à la 4e Journée annuelle de l’Observatoire romand de la culture (ORC), lundi 24 novembre 2025 à La Grange-UNIL, à Lausanne. Organisé chaque dernier lundi de novembre, ce rendez-vous professionnel est destiné à présenter les travaux menés par l’équipe de recherche, mais aussi à discuter des enjeux de la culture en Suisse romande. Cette année, l’événement s’est articulé autour des publics de la culture.
La Journée a démarré avec un mot d’introduction de Marie Neumann, cheffe du Service Culture et Médiation scientifique à l’UNIL et membre du comité stratégique de l’ORC. « L’Observatoire a pour vocation de renforcer notre compréhension de l’écosystème culturel en collectant et en analysant des données qui existent, mais qui sont souvent dispersées ou difficilement exploitables en l’état, a-t-elle souligné. L’ORC réalise donc un travail très conséquent pour définir des référentiels communs, harmoniser ces données et faciliter leur comparabilité. » De plus, a-t-elle ajouté, « à travers ses études, il documente et analyse des situations spécifiques, comme par exemple avec l’étude sur les Parcours des artistes. Il nous permet ainsi de suivre certaines tendances, voire d’identifier s’il y a des évolutions, en particulier si nous réalisons à l’avenir certaines études longitudinales. »

Le directeur de l’ORC, Olivier Glassey, a ensuite présenté l’ensemble des activités menées par l’Observatoire. Il a notamment dévoilé l’avancée des deux recherches en cours. L’étude « Durabilité : Les impacts dans la culture » se décline en trois étapes : une cartographie des dispositifs liés à la durabilité dans la culture (en ligne ici), huit ateliers auprès d’institutions culturelles, dans le but de développer un outil d’aide à la décision. L’étude « Jeunes, culture et numérique » vise quant à elle à déterminer la participation des jeunes à des activités culturelles et de loisirs via le numérique, mais aussi à définir le rôle de l’école dans l’éducation à la culture. Ces deux enquêtes seront publiées en 2026. Olivier Glassey a également montré l’outil de restitution des données de l’étude « Le financement public de la culture en Suisse romande ».
Par la suite, Catherine Kohler, chargée de recherche à l’ORC, a exposé les résultats de l’étude « Culture et loisirs : Enquête sur les activités des Suisses romand·es ». Cette recherche, parue en novembre 2025, a mis en exergue un certain nombre de points, dont une porosité entre les notions de « culture » et de « loisirs », une généralisation de l’usage du numérique (surtout chez les jeunes), le sport et le bien-être apparaissant comme les pratiques les plus partagées, un fort investissement dans des créativités du quotidien (écriture, arts visuels, bricolage, etc.). En termes de bénéfices perçus, les Romand·es relèvent la découverte, le lien social, la créativité ou encore le bien-être. Quant aux freins matériels, les coûts, le manque de temps et la distance sont les trois obstacles les plus fréquents.
Pour discuter des enjeux des activités des Suisses romand·es, une table ronde a ensuite réuni Catherine Kohler, Sonia Meyer, chargée de mission pour la participation culturelle à la Ville de Lausanne, Olivier Moeschler, sociologue, responsable du domaine Culture de l’OFS, Mathias Rota, adjoint scientifique, Haute Ecole Arc – Gestion, et Sylvie Treglia-Détraz, responsable Unité publics et développement culturel au Musée d’art et d’histoire de Genève (MAH).
Envie de faire des sorties culturelles
En préambule, les intervenant·es ont présenté leurs travaux. Olivier Moeschler a dévoilé les résultats de l’étude OFS « Pratiques culturelles et de loisirs en Suisse », parue en novembre 2025. Cette enquête a mis en lumière une baisse des sorties culturelles après le Covid, à l’exception des festivals. De même, les activités de loisirs en extérieur ont diminué depuis la pandémie. En revanche, les activités culturelles et créatives en amateur ont presque toutes augmenté en 2024. Enfin, les pratiques numériques ont poursuivi leur expansion avec la pandémie, sans toujours dominer. Olivier a également souligné que « près de 80% de la population en Suisse souhaite aller davantage faire des sorties culturelles. »
Mathias Rota a ensuite dévoilé l' »Analyse du système culturel fribourgeois, partie 2 : Enquête sur la demande culturelle dans le canton de Fribourg », publiée en novembre 2025. Dans cette étude, le chercheur a regroupé les personnes ayant des sorties culturelles similaires en intensité et en type. Six « clusters » révèlent la proximité entre modes de vie et sorties culturelles : les « hyperactif·ves » (9 % de la population) ; les « classiques » (11 %) ; les « amateurs éclairés » (17 %) ; les « empêché·es » (12 %) ; le « grand public » (19 %) et enfin les « indifférent·es » (32 %). « C’est une proposition de compréhension des différents types de publics que permettent le croisement des données récoltées et de méthodes statistiques, a expliqué Mathias Rota. Bien sûr, le but ce n’est pas de mettre des gens dans des cases, c’est un modèle, presque une métaphore, car beaucoup de personnes ne correspondent pas aux idéaux types des six groupes constitués dans cette analyse. »
Sylvie Treglia-Détraz a quant à elle exposé « L’étude motivationnelle et typologie des publics pour le MAH », parue en octobre 2025. Cette enquête a mis en lumière les motivations du public à se rendre au musée : « On voit que le plaisir vient en tête (78,8%), suivi de la détente et du bien-être (74,7%), et du perfectionnement (73,7%). « L’objectif de cette étude est d’élaborer une stratégie d’élargissement de nos publics et de fidélisation et, le cas échéant, d’adapter notre offre culturelle aux besoins identifiés. »
Enfin, Sonia Meyer a présenté les axes de participation culturelle de la Ville de Lausanne. La politique d’accès à la culture de la Ville se fonde sur cinq axes stratégiques : on parle d’élargissement de l’accès à l’offre culturelle, d’aller à la rencontre du public, d’ouvrir les institutions culturelles, de favoriser la diversité, de mutualiser et valoriser les compétences et les pratiques, de stimuler la recherche et développer la connaissance. » Bien que pilotée par le Service de la culture, cette politique « s’inscrit en concertation et en complémentarité avec les actions menées par les Services de l’enfance, jeunesse, quartier, intégration des seniors, etc., ou en complémentarité avec le travail réalisé par les institutions culturelles elles-mêmes et les associations actives dans le domaine ou le canton de Vaud. Elle traduit là une forte volonté de travailler en réseau et de manière très transversale », a-t-elle précisé.
La table ronde a permis d’ouvrir la discussion autour de différentes thématiques. Les intervenant·es ont souligné la porosité entre les notions de « culture » et de « loisirs ». Olivier Moeschler a rappelé que la culture, au sens anthropologique, engloberait aussi bien une sortie au théâtre qu’une simple pratique sociale, tandis que les loisirs oscillent entre activités contraintes (courses, tâches domestiques) et véritables moments choisis. Face à cette complexité, les institutions et collectivités publiques adoptent des distinctions pragmatiques : d’un côté les activités culturelles, de l’autre les loisirs, même si cette séparation est reconnue comme artificielle. Plusieurs participant·es ont aussi relevé les formes hybrides (les « semi-loisirs », comme le jardinage) et l’importance de penser la participation culturelle au-delà de la stricte fréquentation des institutions, en incluant notamment les pratiques en amateur.
Les enjeux du numérique
La discussion a également porté sur les groupes éloignés de l’offre culturelle, définis selon plusieurs terminologies : « indifférent·es », « empêché·es », « replié·es sociaux·ales », etc. Les recherches montrent que celles et ceux qui pratiquent ont tendance à revenir, tandis que les « non-publics » demeurent à l’écart. Ainsi, certaines institutions expérimentent des démarches pour attirer ces publics. Par exemple, le MAH propose des sessions de Pilates et de méditation en pleine conscience, en dialogue avec les oeuvres. « Mais ces initiatives demandent du temps, des moyens et surtout de la continuité : sans engagement durable, les publics nouvellement touchés ne reviennent pas », a souligné Sylvie Treglia-Détraz.
Enjeu majeur de nos sociétés actuelles, le numérique est présenté à la fois comme un levier d’inclusion et comme un domaine à manier avec prudence. Des projets immersifs — musées modélisés dans Minecraft, outils pour personnes en situation de handicap, audio-guides enrichis — visent à toucher de nouveaux publics et à améliorer l’expérience avant, pendant et après la visite. Les intervenant·es insistent toutefois sur la nécessité d’éviter le recours au digital pour lui-même : il doit répondre à un besoin réel, renforcer l’accessibilité et non complexifier l’expérience. Parallèlement, les pratiques culturelles en ligne, les communautés virtuelles d’amateur·ices, ainsi que l’importance des réseaux sociaux dans la diffusion de l’information culturelle témoignent d’un écosystème mixte où physique et numérique se complètent.
Cette Journée annuelle a offert aux acteur·ices du secteur culturel l’occasion d’échanger de manière constructive. Toute l’équipe de l’ORC remercie chaleureusement les participant·es pour leur présence, ainsi que La Grange-UNIL pour son accueil attentionné.
